Episode 1: Le matériel
Lundi, Carlos vient donc me chercher et on va chercher le matériel dans le magasin d'un ami. Arrivé sur place, plus qu'un magasin c'est un semblant d'arrière boutique, et c'était fermé. Après avoir attendu 30 min il ouvre et là le choix est limité! Les chaussures étaient trop grandes pour moi, on me dit qu'il n'y a que ca, ou une autre paire, cette fois beaucoup trop petite! C'est bien parti, me voilà repartie avec des chaussures trop grandes, pas le top pour l'ascension d'un glacier...
Episode 2: Le voyage jusqu'au parking du refuge
Après un voyage entrecoupé par différentes nécessités de Carlos, nous voilà finalement arrivés au parc du Cotopaxi, magnifique. J'y avais déjà fait un tour, dans les 3 mois qui ne figurent pas sur mon blog! Arrivé à un parking où on doit s'équiper et se changer, on rencontre deux Espagnols de l'Iliniza Norte, le sommet d'avant (oui les deux espagnols que Carlos voulait à tout prix doubler...). Bien sympas, on discute un peu, Carlos est tout sourire. Ils repartent et Carlos me sort tout naturellement: je les aime pas ces Espagnols, ils sont radins! (Explication: ce sont deux alpinistes aguerris qui font pas mal de sommets en Equateurs et du coup ne veulent pas payer de guide, ce qui est compréhensible car pour chaque sommet de 2 jours ils faut compter environ 200 dollars par personne...)
Bref, nous voilà partis le gros hypocrite et moi en direction du refuge.
Episode 3: La déclaration d'amour
Dans la montée vers le refuge, Carlos s'arrête et me dit que ça ne va pas. Etonnée je lui demande ce qu'il se passe, et voilà qu'il me commence sa rengaine!! Je vous la retranscris approximativement, mais en gros ca ressemble à ça: "Je suis malade du coeur, je n'en peux plus Stéphanie. Il faut que je te le dise, je ne sais pas ce que tu m'as fais mais tu me plais trop. Il y a une alchimie entre nous deux. Moi même je ne comprends pas ce qui se passe, mais tu es tellement spéciale [...]" Bon vous avez saisi l'idée, faut dire qu'il a de l'imagination car il m'a sorti son blabla pendant plus de 5 min, pour conclure par "enfin bon, c'est ta décision". Ma décision étant toute prise, je lui dis que je ne le connais pas assez et que je préfère qu'on reste amis. Sa réponse: "Mais on est déjà amis! Qu'est-ce que tu veux savoir de moi, tu connais déjà tout, pose moi une question si tu veux!" Et c'est reparti pour un tour pour la même conclusion "c'est ta décision". Il faut savoir qu'un Equatorien en général ne prend pas non pour une réponse (bon je me défoule un peu sur lui, mais j'ai déjà eu qq expériences similaires avec d'autres Equatoriens). Finalement j'arrive à le faire repartir vers le refuge.
Arrivés au refuge, surprise: il grouille de monde! La fois où j'y étais allée juste pour le parc nous étions une dizaine, dont le Directeur de la Banque mondiale d'Equateur que j'ai rencontré là-bas ;). Là on avoisine les 50!
Après un repas très diététique préparé par Carlos: soupe de pommes de terres, poulet frit type KFC, frites et pommes de terres! on se prépare pour la nuit. Carlos me dit qu'il a réussi à avoir un coin à part du refuge pour qu'on puisse dormir tranquillement. Effectivement c'est une chambre avec 12 lits à part, il me dit de ne pas ressortir car il a dit a tout le monde que c'était plein pour ne pas qu'ils viennent. Avant d'ajouter nonchalamment: "En fait j'ai dit à tout le monde que tu étais ma copine, mais c'est pour ton bien, c'est pour pas qu'on t'embête car mes amis (autres guides) me demandaient qui t'étais et voulaient que je te présente..." - sans commentaires.
Episode 5: la nuit
Je lui dis que je ne veux pas me presser pour l'ascension, que peu m'importe le temps mon but étant d'ariver au sommet. L'ascension se fait entre 5 et 8h. Du coup nous prévoyons de partir à 23h. Nous mettons deux alarmes mais je le préviens que la mienne n'est pas fiable.
Emmitouflée sous 5-6 couches de pulls, sous-pulls, polaires, vestes, et duvet, je pense enfin pouvoir commencer ma "nuit", il est environ 19h. Mais non...
C'est reparti pour la rengaine du Carlos! "Tu me rends vraiment malade Stéphanie, tu me plais tellement, ta façon d'être, je suis tellement bien avec toi.... bla bla bla...." Le compliment de choc qui vaut son pesant d'or quand même (il devait être à court d'imagination): et ce que j'adore chez toi c'est que tu n'es pas blonde!" Génial! Pour la 7ème fois je lui répète que je ne veux rien avec lui et que je veux dormir. Mais rien n'y fait, au bout d'un moment j'ai opté pour la solution faire la morte. Au bout d'un moment il a fini par se lasser de parler dans le vent.
Episode 6: le réveil... ou la panne de réveil!
Trouvant la nuit un peu "longue", j'allume mon portable et regarde l'heure: 00h30!! Horreur on aurait dû être parti il y a une heure et demi, je réveille Carlos qui dormait profondément! Ca commence mal... Il me dit qu'il va faire chauffer de l'eau pour le ptit déj, reviens 2minutes après en me disant que tout le monde lui faisait des réflexions, que ca le soulait, me tend la bouteille de yaourt, et me dis va déjeuner. Je commence à manger, en me disant qu'il finira par arriver mais non. Je finis par retourner dans la chambre, Carlos était en train de dormir, il se lève en sursaut et c'est parti. (Au final, j'aurais jamais vu l'eau chaude...) Nous sommes la dernière cordée, sur 11 à partir.
Episode 7: le début de l'ascension
Au final nous rattrapons les derniers et commençons même à dépasser quelques groupes, lorsqu'un autre guide lui lance "Carlos, qu'est-ce que tu fous?! C'est pas une compétition, tu vas la cramer maintenant, c'est pas le but! A ce rythme elle tiendra pas jusqu'au sommet!" Et là les mots de Lydia (alpiniste hors pair qui a monté le Cotopaxi qq mois avt) résonnent dans ma tête "Surtout, si c'est un bon guide il faut qu'il aille très lentement au début, c'est très important pour que tu t'acclimates à l'altitude". Vu que Carlos n'a pas l'air d'avoir compris le message, je m'arrête en lui disant que je préfèrerais aller plus lentement. Du coup les autres groupes nous passent devant. Carlos n'a pas l'air d'apprécier... J'entends les autres guides dire à leurs clients: "Lentement, lentement, on a le temps" ou encore "La motivation est le plus important, c'est elle qui vous mènera au sommet" Le mien ne dit rien, pas d'encouragement ni conseils.
Episode 8: l'ascension
Nous sommes donc toujours en dernier pour l'ascension du glacier. Nous nous équipons en crampons etc. Je n'avais jamais évolué sur un glacier et lui demande donc de m'expliquer comment faire puisque je voyais les autres guides expliquer à leurs clients comment marcher. Il me répond, pour l'instant marche normalement car tu as peur, quand je déciderais, je t'expliquerais. Je n'avais pourtant pas peur mais après 2min de dispute, décide de me la fermer et de le suivre tant bien que mal, en imitant les autres.
L'ascension se passe bien pour moi, je vais lentement mais je me sens bien, quelques bruits de vomi résonnent pourtant dans la nuit (les ravages de l'altitude...), suivi des encouragement des autres guides à leur cordée.
Mais avec mes chaussures trop grandes ( pourtant j'avais mis les 3 paires de chaussettes que j'avais emmené), et avec la façon de marcher que requiert un glacier, ma cheville commence à être très douloureuse. Je dois m'arrêter pour me mettre une bande pour la maintenir car sinon je ne tiendrais pas le coup. Nous prenons donc encore un peu de retard
Episode 9: le sommet....... de la connardise!
Cheville maintenue tout va mieux, nous continuons. Et là, Carlos a décidé d'atteindre son paroxyme de la connardise! Il commence à me demander "T'es sûre que tu veux aller au sommet?" Moi plus motivée que jamais, et avec cet objectif qui me tenait vraiment vraiment à coeur, lui répond bien sûr! A partir de ce moment là il s'est arrêté toutes les 15minutes pour me reposer la même question avec à chaque fois des arguments différents!! Le guide très profesionnel quoi...
Je peux vous dire qu'à plus de 5200m, avec le froid, dans la nuit, une cheville qui fait mal, un effort physique difficile (pente à 40-45°), avec en prime un guide qui vous descend le moral, c'est vraiment pas évident... Et pourtant je m'obstine et veut continuer cette ascension! Moi qui pensais que payer un guide signifiait le payer pour qu'il nous emmène au sommet, et qu'il nous aide à y arriver, je me suis bien plantée...
Nous continuons, Carlos devient de plus en plus insistant: "je te conseille de redescendre". "Garde de l'énergie pour descendre, tous les accidents arrivent dans la redescente" j'ai beau lui dire que je connais mon corps un minimum, que je sais que je ne suis pas fatiguée mais que je vais lentement à cause de l'altitude, rien n'y fait. Il me fait le même coup qu'à Elise, lorsque je m'arrête car j'ai un peu la nausée, il me tire d'un coup sec, sympa...
Il argumente encore et encore: "Il y a déjà 4 cordées qui ont déjà fait demi-tour, tu peux redescendre maintenant" Ca m'énerve cet esprit de compétition! Je m'en fous, c'est pour moi que je veux le faire!!
Après de multiples autres tentatives pour me décourager, il finit par me sortir énervé "Je te préviens, je suis mort de froid, moi à 6h je fais demi tour!!" Après avoir continué quelques mètres je craque! J'en peux plus de ce guide de merde!!! En plus de toutes les difficultés physiques je dois supporter cette pression psychologgique, c'est pas possible de gravir un sommet dans ces conditions.... Je craque et je cède... Arrivée à 5500m, c'est la désilusion et la grosse déception.... car je ne pense pas avoir le temps (il faut faire plusieurs sommets avant) ni l'argent pour le retenter...
La frustration est grande très grande.... Car je redescends alors que je ne suis même pas fatiguée, que je savais que j'aurais pu y arriver physiquement... Mais pas avec un "guide" comme ça. Pour une première fois à cette altitude, sur un glacier, dans le froid et la nuit, j'avais besoin d'encouragements et non qu'on me pousse à abandonner.